17 avril 2020

De Isabelle Tresson
Comédien de la Troupe du Mercredi
Pièce travaillée : Les femmes savantes, de Molière
Personnage : Ariste

Tous les soirs à 20h00, nous applaudissons les soignants. Les mercredis soir aussi, c’est pourquoi la répétition en vidéo est décalée de quelques minutes. Au cours des semaines, on s’attache finalement à ces voisins qu’on ne connaît pas plus que cela. Comme si ces silhouettes croisées dans la course effrénée habituelle avaient pris vie. Le confinement permettra-t-il de créer du lien ? Serons-nous plus empathiques envers la vieille dame qui prend le soleil en bas de l’immeuble l’après-midi ou envers ce bébé qui pleure et dont les cris résonnent dans toute la cour ?

« L’empathie peut changer le monde ». Cette phrase gravée dans la station de tramway de la gare de Strasbourg est gravée en moi. Y-aura-t-il plus d’empathie à la suite à cette crise et ce confinement ? Les hommes seront-ils plus ouverts aux difficultés de santé, travail, logement que peuvent rencontrer les personnes de leur entourage ? Y-aura-t-il une plus grande écoute des autres ?

Je repense à mon personnage d’Ariste dans Les femmes savantes. C’est quelqu’un d’empathique, qui sait écouter les autres et les aide à sa façon. Quitte à devoir inventer un stratagème, dans l’optique d’aider, d’apporter une solution. Un entremetteur dans le bon sens du terme, quelqu’un qui met le bon sens entre les gens, qui permet aux jeunes amoureux de se marier et au vieux Chrysale d’être écouté. J’aime bien mon personnage. Il fait son possible pour que les gens s’écoutent et soient empathiques.

L’écoute des autres, la prise de parole à tour de rôle. Telles sont les règles de conduite nécessaires pour une réunion en visioconférence réussie. Et de même pour un apéro Skype ou pour une répétition de théâtre. Impossible de parler tous en même temps, par paires ou trio car on ne s’entendrait plus. A l’avenir, prendrons-nous l’habitude de plus nous écouter ? De parler quand vraiment nécessaire ? Une parole mûrie, réfléchie ? Moins de spontanéité ? ou celle-ci reviendra-t-elle dès la fin du confinement ? Les habitudes évolueront-elles ? Ferons-nous des répétitions en vidéo même après le confinement ? Aurons-nous pris l’habitude de s’écouter vraiment ? De vraiment écouter les répliques des autres et de ne pas seulement attendre notre tour de parler ? Mais le théâtre c’est bien plus que la parole, c’est le corps également et celui-ci nous manque cruellement dans nos répétitions. Au début toujours assis, nous nous levons désormais quand nous en ressentons le besoin. Nous nous éloignons de l’écran lors que le personnage fuit dans ses réponses, ou bien nous venons écraser notre visage dans le cadre pour faire voir un personnage en colère ou ébahi. Nous commençons à apprivoiser la bête, cet écran qui nous relie, renforce les liens et permet de continuer les répétitions. Bientôt nous arriverons même à faire en sorte que nos personnages se coupent la parole quand Molière le demande. Pour que la comédie puisse reprendre de plus belle dès le confinement terminé. 😊

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